La fête de Pourim approche, et les premiers signes de réjouissance apparaissent dans les foyers juifs. On prépare les costumes, on dresse la liste des courses. Bientôt ce sera la lecture de la Méguila et le festin familial, l’envoi des michlo’hé manoth. Malheureusement, pour certains, malades ou exclus, la fête est plutôt source d’angoisse. Ils ne peuvent se réjouir à l’avance car ils ne savent comment célébrer Pourim dans la dignité. Or, cette fête symbolise le renversement possible de toutes les situations. Nous avons rencontré les Rabbanim du Vaad, délégués dans les différentes villes d’Erets. Grâce à leur intervention, des familles ont repris courage. Interviews croisées des Rabbanim qui agissent sur le terrain pour transformer la tristesse en joie indicible…
La fête de Pourim est connue pour être celle des retournements de situations. A l’époque antique, les Juifs se croyaient perdus et ce fut finalement leurs ennemis qui furent décimés. Aujourd’hui, d’autres retournements de situations ont lieu, sans que nous en soyons forcément informés. Et pourtant, ces prodiges quotidiens sont capables de changer des vies et de redonner joie et félicité à ceux qui se croient perdus. Dans chaque ville du pays, dans chaque communauté, des délégués du Vaad agissent sans relâche pour connaître les besoins des familles en difficulté et assurer un suivi au terme duquel elles sont totalement sorties d’affaire. Malgré leurs nombreuses charges, ces véritables anges gardiens de la cité oeuvrent inlassablement dans le cadre du Vaad Harabanim. Voici le récit de leurs pérégrinations dans les 127 provinces du ‘hessed.
Rav Yaakov Méïr Sonnenfeld, de Re’hassim, petite ville paisible du Nord d’Israël est un homme efficace. Il s’occupe de sa communauté avec amour et résolution. Tous peuvent compter sur lui et il ne recule devant rien pour aider les nécessiteux. Son adhésion au Vaad Harabanim est totale et lui a permis de sauver de la ruine des dizaines de famille. « Je ne peux parler du Vaad Harabanim sans évoquer l’ampleur de son action sur le terrain. Cette Association est présente dans chaque ville et nous permet d’accomplir de véritables prodiges sur le plan social. Voici un exemple de « sauvetage » auquel j’ai eu le mérite de prendre part et qui a été rendu possible grâce au Vaad. Chmouel R., un enseignant de la ville, souffrait d’un problème génétique de dentition, appelé « agénésie dentaire ». Cette maladie rare, héréditaire, se caractérise par une dentition incomplète : certaines dents ne poussent pas après la chute des dents de lait. Ce père de famille commença à sérieusement s’inquiéter lorsqu’il s’aperçut que ses enfants souffraient du même mal que lui. Ses parents, de condition modeste, n’avaient pas eu les moyens de le traiter lorsqu’il était enfant et il souffrait de cette maladie depuis toujours. Le dentiste qu’il avait consulté lui expliqua qu’il était dangereux, dans son cas et dans celui de ses enfants, de ne pas intervenir. Mais voilà, il lui manquait 8 dents et il avait quatre enfants à faire traiter : les soins, qui consistaient à placer des implants et des appareils dentaires, s’élevaient à plus de 70 000 nis (environ 12 000 euros). (Un implant coûte 5000 nis-1000 euros). Comment pouvait-il trouver une telle somme ? Plus il attendait et plus la situation pouvait se dégrader et entraîner de nouveaux soins, encore plus onéreux !
Car il faut savoir qu’en Erets , les soins dentaires ne sont pris en charge ni par la sécurité sociale ni par les mutuelles.
Il décida donc de s’endetter afin de recueillir la somme nécessaire et de commencer les traitements. Mais son salaire ne suffisait pas à rembourser les sommes très importantes qu’il avait dû emprunter en peu de temps. Il devait réemprunter pour rembourser les prêts ! Et c’est ainsi qu’il tomba dans le tourbillon des dettes.
Bientôt, Chmouel R. ne put rembourser ces dernières et ne parvint plus à subvenir aux besoins des siens. Lorsque j’ai pris connaissance de sa situation dramatique, je me suis immédiatement tourné vers le Vaad Harabanim. J’ai entièrement confiance en cette Association dirigée par les Grands de la génération. Je connais son efficacité et sa discrétion. Je savais que je pouvais compter sur elle. Je remplis donc le dossier et adressai ma demande d’aide au bureau central de Jérusalem. Grâce à D.ieu, en très peu de temps, mon appel ne resta pas vain. Le Vaad s’engagea à régler une partie des soins et permit, par son intervention dans une banque, à échelonner les dettes de Chmouel. Quel ne fut pas son soulagement ! Grâce à cette aide providentielle, il put honorer ses dettes sans tomber dans la faillite. » Rav Sonnenfeld reprit alors son souffle, comme si, durant son récit, il revivait la hâte avec laquelle il s’était appliqué à venir au secours de Chmouel. « Si je peux ajouter un mot, dit-il ému, c’est pour souligner le caractère exceptionnel du Vaad Harabanim et la place unique qu’il occupe dans l’histoire juive. Il n’y a jamais existé, à ma connaissance, aucune autre koupa de tsedaka qui se soit occupé de distribuer des dons du Nord au Sud du pays, de Metula jusqu’à Eilat. »
Dans la grande ville d’Ashdod, les problèmes sont malheureusement nombreux et complexes. Rav Chmouel David Gross, Rav dans cette ville côtière, nous a reçus chaleureusement avec un grand sourire et après nous avoir adressé le traditionnel « chalom ale’hem » nous a tendu un album de photos où l’on pouvait admirer un couple de jeunes mariés le jour de la ‘houpa.
« Je ne peux résumer en quelques mots l’action du Vaad Harabanim. Il me faudrait des heures pour tout raconter. Mais si je voulais donner une idée du travail accompli et des prodiges réalisés, je vous la raconterais avec cette photo. » Intrigués, nous lui demandâmes quelle était l’histoire touchante qui se cachait derrière les visages resplendissants de bonheur du ‘hatan et de la kala. Rav Gross se mit alors à nous conter toute l’histoire.
« Moché C. et Yehoudith G. partageaient une histoire commune : tous deux orphelins de père et de mère, ils avaient vécu de nombreuses années en orphelinat. Et comme beaucoup d’enfants livrés à eux-mêmes, ils avaient beaucoup souffert de ces années de solitude. Souvent, ils avaient pleuré, souvent, ils avaient désespéré. Et puis un jour, un Rav leur permit de se rencontrer et ils décidèrent de se marier. Tous deux entrevirent une lueur d’espoir au bout du tunnel. Mais voilà : comment se marier et assurer les frais d’une installation quand on est démuni de tout et que l’on a ni père bienveillant ni mère attentionnée ? Après avoir cherché en vain des solutions financières, ils furent contraints de repousser le mariage. Et de nouveau, les ténèbres obscurcirent leur vie. Des membres de leur famille leur avaient bien promis de petites sommes mais ne pouvaient assurer la location de l’appartement, le trousseau et l’achat de l’électroménager. Lorsque j’ai été informé de la situation, j’ai pris sur moi de verser une partie de la somme afin qu’ils puissent célébrer le mariage et commencer leur installation. Puis, je décidais de faire intervenir le Vaad Harabanim en sachant pertinemment que l’Association n’hésiterait pas une seconde à soutenir un tel cas. Immédiatement, la demande fut agréée : le Vaad Harabanim leur alloua une bourse qui leur permit de trouver un appartement en location et grâce à cette impulsion, le reste suivit : des proches et des amis leur procurèrent des meubles ainsi que les appareils électroménagers. Grâce à cet apport de départ, les choses changèrent. Ce fut un véritable « naafo’h hou » (un retournement de situation) comme dans la Méguilath Esther. Alors que la situation semblait bouchée, l’intervention du Vaad Harabanim changea l’angoisse en joie, l’appréhension en bonheur, les pleurs en bénédictions sous la ‘houpa. »
A ce récit, nous restâmes interdits. Tant de joie, tant de félicité grâce au dévouement et à la solidarité juive ! « Il y a des centaines de cas à Ashdod, reprit Rav Gross. Impossible de tous les relater. J’ai choisi cette histoire car elle est très représentative de la force de l’union. »
Le moment le plus obscur de la nuit est celui qui précède l’aurore. Parfois, on touche le fond avant de remonter à la surface. C’est la leçon que nous avons tiré de l’histoire émouvante que nous raconta Rav Yossef Biniamin Wozner, l’un des Raché Yechivath ‘Ha’hmé Lublin à Bné Brak et Rav à Elad. Malgré ses nombreuses responsabilités, le Rav lutte au jour le jour pour ses frères qui souffrent. Il a accepté de nous ouvrir les portes de chez lui et nous a fait le récit suivant : « Eliezer, un ba’hour très sérieux, s’est présenté un jour chez moi. Il s’est épanché et m’a raconté sa situation délicate. Il était issu d’une famille nombreuse dont il était l’aîné et son père était entièrement absorbé par le fait d’assumer la subsistance des siens. Malgré ses efforts, sa famille vivait dans un grand dénuement matériel.
Mais tout devint vraiment critique lorsque sa mère montra les premiers signes d’une maladie psychique grave qui l’empêchait d’assurer la bonne marche de son foyer. Mme Z., n’eut bientôt plus la force d’accomplir les différentes tâches ménagères : elle ne pouvait plus ranger la maison et n’avait plus la force de trier le linge et de nettoyer l’appartement. Le désordre s’accumulait. Les armoires étaient vides et le linge jonchait le sol. La vaisselle n’était jamais faite et les éviers en étaient remplis. Mêmes les aides reçues sous formes de cartons alimentaires étaient laissées à l’abandon et se détérioraient sans que personne n’ait pu en profiter. La situation se dégradait de jour en jour. Les enfants n’étaient pas encadrés et se retrouvaient en échec scolaire. Ils durent alors quitter les bonnes institutions dans lesquelles ils avaient été admis. Eliezer faisait de son mieux pour venir en aide à sa mère mais ne voulait pas quitter la Yechiva, sentant que ce serait le début de la fin. Le jeune homme était bien sûr très déstabilisé par toutes ces épreuves. Il prit alors la décision de traiter le mal par la racine et d’aider sa mère à guérir. Eliezer était un garçon décidé et généreux. Il s’était fixé cet objectif et rien ne pouvait l’en détourner. Il emmena donc sa mère chez les meilleurs spécialistes afin qu’elle puisse sortir de sa dépression. Mme Z. commença à retrouver un certain équilibre mais c’était au prix d’un grand investissement financier engagé par Eliezer. Or, ce dernier n’avait pas les moyens d’assumer les frais des visites chez les psychiatres et ceux des traitements. » Le Rav marqua alors une pause dans son récit, visiblement ému par les souvenirs qui l’assaillaient. « Après avoir entendu le récit si poignant de ce fils qui était prêt à tout pour sauver sa mère, je m’adressais à Eliezer dans ces termes : ”Tu as accompli une grande mitsva, tu dois continuer. N’aies pas de souci, le Vaad Harabanim t’aidera“. C’est alors que j’adressai ma requête à l’Association de tsedaka. Celle-ci, comme à son habitude, agit efficacement en allouant un budget destiné à financer les traitements. Et c’est ainsi que Mme Z. se rétablit et que sa famille retrouva une vie normale. »
« Avant l’aube, l’obscurité est totale ». Grâce à Eliezer, à sa détermination et à l’aide du Vaad Harabanim soutenu par de généreux donateurs, le soleil brilla de nouveau et éclaira le chemin de la famille Z.