Parce que les Juifs sont solidaires et généreux, parce qu’il existe des épreuves et des tourments. Parce que des hommes ont décidé ne pas baisser les bras devant les difficultés de la vie, une prière a vu le jour. Une prière qui réunit des érudits dont la conscience des besoins de l’autre dépasse celle des intérêts propres. Une prière, qui, aujourd’hui, défie la chronique par sa puissance. La prière de minuit.
La nuit avait envahi le jour. Il était minuit et la lune était ronde. Une brise légère venait caresser la lyre du roi David pour l’éveiller au service divin. C’est alors qu’il pouvait chanter à D.ieu ses louanges et Le remercier de tous les bienfaits dont Il l’avait gratifié. D.ieu l’avait sauvé de la main de ses ennemis. D.ieu l’avait élevé au rang de roi, un roi qui ne se séparait jamais de la Thora. Cette Thora qui demande à l’homme d’immenses efforts mais promet d’incroyables récompenses : le bonheur dans ce monde, l’éternité dans l’autre. Cet élixir de vie qui nous enseigne la sagesse et nous livre le mode d’emploi afin de surmonter une existence parsemée d’épreuves. Elle est la lumière au milieu de l’obscurité.
Minuit, l’heure a sonné. Les ténèbres s’emparent du monde et l’homme semble perdu, comme errant seul dans la nuit. Tout ce qui l’entoure a des aspects obscurs, opaques. Il n’est pas en mesure de comprendre les souffrances du corps et les maux de l’esprit. Vers qui se tourner quand l’heure a sonné ?
Les grands Sages d’Israël connaissent les peines de chacun. Ils participent à chaque épreuve. En jeunant, en priant. Et lorsqu’ils prient pour le peuple juif, ils ouvrent leurs cœurs afin d’y faire entrer chaque âme en peine, chaque voix dans le silence. Ils deviennent La voix. Celle qui retentit pour tous et pour toutes.
La tradition veut que les Talmidé ‘ha’hamim prient à minuit pour le « tikoun ‘hatsoth ». Justement à minuit. Parce qu’à cette heure-là, toutes les chances sont réunies pour percer les ténèbres. En effet, à minuit, toutes les nuits, une voix céleste crie d’un bout du monde à l’autre : « Tristesse ! Mes enfants, par leurs nombreuses fautes, ont provoqué la destruction de Mon Temple et ont été exilés parmi les nations ».
Les enfants d’Israël perçoivent cet appel et prennent le deuil de cette destruction. C’est un moment propice durant lequel on récite le « tikoune ‘hatsoth » : on demande à Hachem de restaurer le Temple et de nous ramener sur notre terre. Le meilleur endroit pour réciter cette prière ? Devant le Saint des Saints que la che’hina n’a jamais abandonné. C’est justement à cet endroit précis que se réunit le miniane du Vaad Harabanim, à minuit, durant quarante jours, plusieurs fois par an. Après avoir traversé les galeries souterraines menant à proximité du Kodech Hakodachim, les Rabbanim et les érudits formant le miniane du Vaad se recueillent et unissent leur force, à l’instar des Juifs d’antan qui ont relaté les miracles qui se produisirent grâce à cette prière au Kotel. Voici l’histoire de l’un d’entre eux.
Au 18e siècle, à Jérusalem, une terrible famine décima les populations juives. Durant une année entière, les enfants pleuraient chaque soir en demandant du pain. Les pauvres mères, impuissantes, priaient le Tout Puissant pour qu’Il leur épargne la souffrance de voir leurs enfants gémir et se lamenter. Les pères cherchaient une solution et tentaient d’acheter de quoi se nourrir en dehors de la ville. Mais leurs faibles ressources ne leur permettaient pas de s’approvisionner et seuls les plus riches purent se procurer le strict minimum. La disette fit des dizaines de victimes, principalement des enfants.
Un élève du Gaon de Vilna, Rabbi Yechaya Barbeki, demanda à toute la communauté de prier le « tikoune ‘hatsoth » au Kotel afin de faire cesser le mauvais décret qui avait été prononcé par D.ieu.
Des vieillards décharnés, aux longues barbes blanches, se dirigèrent peu avant minuit vers le mur des lamentations. Des hommes et des enfants leur succédèrent dans les ruelles étroites. Ils avaient, eux-aussi, répondu à l’appel du Rav. Ils parvinrent jusqu’aux pierres ancestrales qui leur rappelaient la splendeur perdue d’Israël. C’est alors qu’ils entamèrent ensemble, comme un seul homme, l’appel au divin. Et le miracle se produisit : au moment même de la prière, une caravane arriva dans la vieille ville, alors que les portes étaient fermées et que les gardes n’avaient rien vu ni rien entendu. Des chevaux et des ânes, remplis de sacs de blé, parcoururent le quartier juif. Cette étrange caravane fit silencieusement le trajet de la rue de la Poste autrichienne jusqu’à la demeure de Rav Yechaya. Les porteurs de la caravane vidèrent les sacs devant sa porte. Ils attendirent le Rav et demandèrent une reconnaissance de dettes, en échange des ballots de blé. Le Rav accourut chez lui et s’acquitta avec joie et empressement de cette curieuse demande. Il s’agissait d’un véritable prodige ! Toute la communauté put se sustenter et les enfants cessèrent leurs lamentations désespérées. Des années passèrent. Mais personne ne vint réclamer la reconnaissance de dette…
Si les situations ne sont pas toujours extrêmes, et que les difficultés ne touchent pas forcément une communauté entière, il n’en reste pas mois que les épreuves individuelles peuvent être très difficiles. Combien de pères et de mères appellent-ils chaque mois le Vaad Harabanim afin qu’il prie pour leurs enfants en difficulté : certains ont quitté la Yechiva, d’autres ont accumulé des dettes, certains sont atteints de maladies graves. Combien d’hommes et de femmes demandent-ils l’aide aux Rabbanim pour obtenir, grâce à leurs prières, la résolution de leur problème financier, la fin de leurs soucis éducatifs, la réussite dans leurs entreprises ? Les cas sont innombrables. Les prières infinies. Tout Juif mérite d’être aidé et épaulé. Tout Juif peut bénéficier de la tefila au Kotel, durant 40 jours, à minuit. Qu’Hachem entende ce cri de lumière pour que minuit ne soit plus vraiment minuit.
P.S. : Lorsque l’on parle de la prière de minuit, il s’agit d’un minuit hala’hique. Comment obtient-on l’horaire exact ? C’est très simple, on fait le compte des heures entre la tombée de la nuit et le lever du jour. On divise ensuite le nombre d’heures obtenues en deux et on fixe, au milieu, le minuit hala’hique. Par exemple, si la nuit tombe à neuf heures du soir et le jour se lève 6 heures du matin, cela donne 9 heures de nuit. On compte quatre heures et demi à partir de neuf heures et on obtient l’horaire de 1h30 qui constitue le minuit hala’hique.