Directeur de banque pour une après-midi - Vaad harabanim : Vaad harabanim Directeur de banque pour une après-midi - Vaad harabanim

Directeur de banque pour une après-midi

Chlomo Lévy, la cinquantaine, était un homme d’affaires averti. Marchand de biens, il avait, depuis quelques années, conclut des affaires juteuses qui avaient fait sa fortune.

Mais ce jour-là, il se tenait au milieu de la banque, pâle, perdu au milieu de la foule. Il paraissait sous le choc. M. Lévy, cet homme posé, responsable, qui savait faire face aux situations les plus difficiles, semblait démuni, désarmé face à l’adversité.

L’affaire de sa vie venait de s’écrouler à cause d’une règle administrative inepte fixée par la banque.

Il se remémorait toutes les étapes de son histoire et avait du mal croire à ce qui lui arrivait.

Quelques mois plus tôt, il avait repéré un immeuble qu’il souhaitait acheter, certain qu’il pourrait le revendre en réalisant une très importante plus-value. Le propriétaire, un Russe d’un certain âge, se refusait pourtant à le vendre. Il attendait en fait d’en obtenir le meilleur prix.

Mais bientôt, sensible aux offres alléchantes de M. Lévy, il décida de commencer des pourparlers. Le prix fixé fut de onze millions de chekalim. Chlomo Lévy ne possédait pas de telles liquidités et fut obligé de vendre tout ce qu’il possédait et de contracter un emprunt à la banque de sept millions, censé compléter la somme dont il disposait.

La signature avait été fixée l’après-midi même, un lundi. Depuis des semaines, il se démenait afin d’obtenir le prêt nécessaire et avait rempli des dossiers entiers avec des garanties de toutes sortes. Il touchait enfin au but et c’était donc le lendemain qu’il devait signer et effectuer le premier paiement. Cette date ne souffrait aucun contretemps : le propriétaire américain partait le mardi à New York et, déjà las de toutes les négociations, avait précisé qu’il ne repousserait pas la signature. C’était aujourd’hui ou jamais.

Chlomo Lévy revoyait sa vie défiler devant lui : durant des années, il avait dû travailler dur.

Il avait commencé au bas de l’échelle et avait gravi tous les échelons, un par un, avant de devenir un homme d’affaire confirmé. Et aujourd’hui, alors qu’il était prêt à conclure l’affaire de sa vie, le sol semblait se dérober sous ses pieds.

Que s’était-il passé ?

Ce lundi matin, il avait rendez-vous avec le directeur de son agence bancaire à Jérusalem. Celui-ci le reçut avec affabilité et lui déclara, posément :

– Je ne peux vous donner l’autorisation définitive avant demain…

– Comment ça demain ? rétorqua Chlomo, angoissé.

– Pour une telle somme, je suis obligé d’obtenir la signature du directeur général du département des prêts hypothécaires qui se trouve à Tel Aviv.

– Eh bien, je n’y vois aucun inconvénient, appelez-le et obtenons sa signature…

– Le problème, c’est qu’il est en déplacement toute la journée… Il a laissé des consignes très strictes et nous ne pouvons le déranger, sauf en cas de force majeure.

– Mais c’est le cas… Je dois signer cet après-midi, et je ne peux en aucun cas repousser le rendez-vous. Vous devez comprendre que j’ai engagé tous mes biens dans cette affaire. Il s’agit exactement d’un cas de force majeure ! Si je n’obtiens pas cette signature, le propriétaire repart aux États-Unis et je risque de tout perdre !

– Je suis désolé, je ne peux rien faire pour vous. Tentez de décaler la signature, c’est tout ce que vous pouvez faire…

C’est ainsi que Chlomo sortit du bureau du directeur. Au moment le plus critique, tout lui glissait entre les mains. Que pouvait-il faire ?

 

Il se tenait au milieu de la banque, pâle, perdu au milieu de la foule. Après quelques instants de réflexion, il retourna chez le directeur qui fit une dernière tentative en appelant l’agence de Tel Aviv. Mais en vain.

Chlomo Lévy pensa alors au Vaad Harabanim : « Je vais adresser un don de 1800 dollars afin que tout cela s’arrange. » se dit-il intérieurement.

C’est alors que le téléphone sonna. Le directeur décrocha le combiné. C’était Shalva, la secrétaire de directeur général de la banque de Tel Aviv. Elle lui expliqua rapidement que compte tenu de l’importance de l’affaire, le directeur général de la banque avait eu une idée et pris une décision : il suspendrait de ses fonctions, le temps d’une après-midi, le directeur des prêts hypothécaires et nommerait un remplaçant momentané. Ce remplaçant, c’était justement le directeur de la branche de Jérusalem. Tout était arrangé et ce denier put apposer sa signature au bas de chacun des imprimés, délivrant Chlomo Lévy de toutes ses angoisses… L’après-midi même, la signature eut lieu et l’ex propriétaire put tranquillement s’envoler vers New York…